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En lecture définitive, le Gouvernement a une nouvelle fois engagé sa responsabilité devant l’Assemblée nationale le 15 décembre 2022 sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 2023.

La motion de censure déposée par les députés NUPES a été rejetée. Le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité est donc considéré comme définitivement adopté, sans avoir été soumis au vote des députés, en lecture définitive à l’Assemblée nationale. Pas moins de 5 recours à l'arme constitutionnelle du 49.3 auront été nécessaires au vote définitif.

Le Conseil constitutionnel a rendu le 29 décembre 2022 sa décision sur le PLF 2023 (décision n° 2022-847 DC du 29 décembre 2022, loi de finances pour 2023). Il a été publié au Journal officiel du 31 décembre 2022.

DISPOSITIONS EN SOUTIEN À LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE

Taxe à l’essieu : exonération des exploitants agricoles pour le transport de leur propres récoltes (art. 47)

Le bénéfice de l’exonération de la taxe à l’essieu dont bénéficient les exploitants agricoles pour le transport de leurs propres récoltes est étendu :

■    à l’ensemble des transports de marchandises végétales, animales ou minérales nécessaires à une activité agricole ou forestière ou qui en sont issues ;

■    aux véhicules détenus par les exploitants (ou indirectement à travers une coopérative) même s’ils sont utilisés pour les besoins d’une autre exploitation que la leur ;

■    aux activités forestières.

Les transports doivent toutefois être effectués depuis ou à destination d’une exploitation agricole.

Ces évolutions étant subordonnées à une autorisation de la Commission européenne, conformément à la directive dite « Eurovignette », elles n’entreront en vigueur qu’à une date fixée par décret au plus tard un mois après la réception par les autorités françaises de l’autorisation susmentionnée.

TICFE : prolongation du bouclier tarifaire sur l’électricité (art. 64)

L’accise sur l’électricité est maintenue aux niveaux minimums permis par le droit européen (1 €/MWh pour les ménages et 0,5 €/MWh pour les entreprises). Ces tarifs sont applicables, en métropole comme en outre-mer, à l’ensemble des consommations d’électricité jusqu’au 31 janvier 2024.

Ainsi, au 1er février 2023, la fiscalité sur l’électricité diminuera de 6,76 €/MWh pour les ménages et les très petites entreprises et de 2,25 €/MWh pour les petites et moyennes entreprises, pour un coût additionnel pour le budget de l’État de 1,5 Md€ au titre de l’accise sur douze mois.

Les effets du « bouclier tarifaire » seront par ailleurs amplifiés par l’intégration, à compter du 1er février 2023, de la taxe communale sur la consommation finale d’électricité (TCCFE) dans l’accise, qui permettra une réduction additionnelle du niveau d’imposition sur l’électricité.

Adaptation du système fiscal aux exigences de la transition énergétique (art. 65)

Le système fiscal est adapté aux exigences de la transition énergétique, en renforçant, d’une part, certains dispositifs fiscaux favorables à la transition énergétique et en réduisant, d’autre part, les avantages fiscaux accordés à certaines activités et usages particulièrement émetteurs.

S’agissant de la fiscalité sur les produits énergétiques, il est prévu une augmentation des tarifs réduits relatifs aux consommations de charbon de 3,2 €/MWh sur deux ans, à partir de 2024. Ces évolutions visent à la fois à inciter à la transition vers une énergie moins polluante, telle que l’électricité, et à la sobriété, mais également, à augmenter la contribution des activités émettrices au financement du budget de l’Etat.

TIRUERT : renforcement des incitations fiscales à l’utilisation d’énergie renouvelable dans les transports (art. 67)

Les tarifs de la taxe incitative relative à l’incorporation d’énergie renouvelable dans les transports (TIRUERT) sont augmentés, dès le 1er janvier 2023, de 104 € à 140 € par hectolitre d’essence et de gazole et de 125 € à 168 € par hectolitre de carburéacteur afin de renforcer l’incitation fiscale relative à l’utilisation d’énergie renouvelable dans les transports, en cohérence avec les objectifs européens et nationaux.

Par ailleurs, à compter du 1er janvier 2024, il est également proposé (art. 8) :

■    d’intégrer l’hydrogène bas-carbone dans la TIRUERT afin de lui permettre de bénéficier de l’avantage fiscal constitué par la minoration de la TIRUERT.

■    de rehausser l’objectif d’utilisation d’énergie renouvelable :

□    à 9,9 % dans la filière des essences. Cette évolution est en partie permise le relèvement de 0,1 % du minimum d’incorporation des biocarburants avancés ;
□    à 9 % dans la filière des gazoles. Cette évolution est en partie permise le relèvement de 0,1 % du minimum d’incorporation des biocarburants avancés ;
□    à 1,5 % dans la filière des carburéacteurs. Cette évolution pourra être supportée par l’incorporation de tout produit qui n’est pas en concurrence alimentaire (avancé ou non).

TICPE : légalisation de l’utilisation des huiles alimentaires usagées comme carburant (art. 68)

L’utilisation des huiles alimentaires usagées comme carburant est légalisée. Les huiles alimentaires usagées sont définies comme des huiles produites à partir de ou issues des résidus de matières grasses d’origine végétale ou animale utilisées pour l’alimentation humaine, en industrie agroalimentaire ou en restauration collective ou commerciale (huiles de friture par exemple).

Il est également prévu que :

■    l’utilisation de ces huiles ou des carburants dérivés doit correspondre au moins aux performances des carburants ou biocarburants autorisés, en termes d’émissions de polluants atmosphériques ;

■    les conditions d’utilisation comme carburant soient définies par un décret en Conseil d’État pris après avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail.

En conséquence, l’utilisation de ces huiles sera soumise à la taxe intérieure de consommation au tarif applicable à celui du gazole.

TGAP : nouvelle exemption pour les résidus stockés après traitement réalisé par une installation qui recycle plus de 70 % de la masse totale des boues, terres et sédiments pollués qu’elle réceptionne (art. 69)

Conformément à la logique du « pollueur-payeur », la composante « déchets » de la TGAP vise à inciter les apporteurs de déchets à se conformer aux principes de l’économie circulaire en renchérissant le coût du traitement thermique et du stockage des déchets. En cohérence, sont exemptées de la taxe les réceptions de déchets relevant de situations exceptionnelles sans lien avec cet objectif car caractérisées par l’urgence (catastrophes naturelles, décharges publiques), la production d’énergie (co-incinération) ou la valorisation matière.

Une exemption de TGAP pour les résidus issus du traitement de déchets, réceptionnés par des installations de stockage de déchets dangereux, est ajoutée.

Ces résidus doivent être issus eux-mêmes d’un traitement de boues, terres ou sédiments pollués et l’opération de traitement doit être réalisée sur la même emprise foncière.

Sont également exclus de la taxation les résidus stockés qui s’inscrivent dans des projets de dépollution des terres, boues et sédiments pollués, à la condition que les exigences environnementales suivantes soient alors respectées :

■    les résidus stockés sont issus d’un traitement réalisé par une installation qui recycle plus de 70 % de la masse totale des boues, terres et sédiments pollués qu’elle réceptionne et qui émet peu de substances dans l’atmosphère ;

■    l’installation de stockage des déchets dangereux et l’installation de traitement sont implantées sur un même site.

Ces dispositions entrent en vigueur au 1er janvier 2023.

TICPE : relèvement des tarifs des essences d’aviation et carburéacteurs (art. 70)

À échéance 2024, les tarifs d’accise applicables à l’essence d’aviation et aux carburéacteurs seront alignés sur celui applicable à l’essence routière.

Cet alignement est motivé par une volonté de mettre fin à la différence de traitement entre les carburants et leurs usages, critiquable d’un point de vue environnemental.

Tous les carburants utilisés pour les besoins de l’aviation de tourisme privé sont visés, y compris les transports pour compte propre effectués pour les besoins du personnel des entreprises.

TICPE : bornage dans le temps de certaines exonérations (art. 71)

Les exonérations suivantes sont bornées dans le temps (fin au 31 décembre 2026) :

■    l’exonération des consommations de produits énergétiques, hors électricité, utilisés pour les besoins de la construction, du développement, de la mise au point, des essais et de l'entretien des aéronefs et des navires ou de leurs moteurs ;

■    l’exonération applicable, sous conditions, aux consommations de charbon pour les besoins de la valorisation de la biomasse.

À compter du 1er janvier 2027, ces deux exonérations ne s’appliqueront plus.

Report de l’entrée en vigueur de la taxe HFC (art. 72)

L’entrée en vigueur de la taxe sur les hydrofluorocarbures (HFC), instaurée par la loi de finances pour 2019 et qui a pour objectif d’inciter les entreprises à réduire leurs émissions d’hydrofluorocarbures en réduisant les mises à la consommation de ces produits sur le marché français, est reportée au 1er janvier 2025.

Lors de l’examen de la loi de finances pour 2021, l'entrée en vigueur de la taxe a été une première fois reportée au 1er janvier 2023, en fixant aux professionnels un objectif de mise sur le marché de HFC inférieur à 10 170 kt équivalent CO2. Les données communiquées par l’agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) permettent de constater que cet objectif est atteint, puisque moins de 9 700 kt équivalent CO2 de HFC ont été mis sur le marché français en 2021.

Au regard de l'enjeu climatique lié aux émissions de gaz à effet de serre, le Gouvernement a souhaité conforter cette dynamique en cohérence avec l'objectif européen fixé dans le projet de règlement F-Gaz. Il est nécessaire que les mises sur le marché ne dépassent pas un seuil de de 6 040 kt équivalent CO2 de HFC en 2024 pour atteindre cet objectif.

Le report devrait permettre au législateur de constater si celui-ci est atteint ou non et, en conséquence, d’abroger la taxe.

Rédaction d’un rapport du Gouvernement sur la TVA circulaire (art. 169)

Le Gouvernement devra remettre avant le 30 juin 2023 un rapport au Parlement évaluant les conditions de mise en place d’un dispositif dit de « TVA circulaire » par lequel au sein d’une filière donnée, les produits permettant de diminuer les externalités négatives, tant en matière environnementale qu’en matière de santé publique, du fait de leur éco-conception ou de l’usage de matériaux issus du recyclage, pourraient bénéficier d’un taux de TVA réduit afin de les rendre plus compétitifs.

Le rapport du Gouvernement devra également évaluer notamment les conséquences sur les finances publiques d’un tel dispositif et évaluer les évolutions du droit européen nécessaires à sa mise en place.

TRANSFERT DES COMPÉTENCES DGDDI : DGFiP ET MESURES DIVERSES

La loi de finances pour 2023 s’inscrit dans la continuité des budgets précédents.

Le Gouvernement poursuit ainsi le transfert progressif des missions fiscales de la Direction Générale des Douanes et Droits Indirects (DGDDI) vers la Direction Générale des Finances Publiques (DGFiP).

Transfert des compétences DGDDI : DGFiP (art. 80)

Dans la continuité des précédentes lois de finances, sont complétées et parachevées les réformes en cours.

Il est notamment prévu :

■    De fixer les modalités de transfert de la gestion et du recouvrement des amendes prononcées en réponse aux infractions constatées par les services de la Direction générale des Douanes et Droits indirects (DGDDI) au comptable de la Direction générale des Finances publiques (DGFiP). Cela concerne les amendes juridictionnelles pour une entrée en vigueur au 1er avril 2023 ;

■    De ratifier l’ordonnance n° 2021-1843 du 22 décembre 2021 portant partie législative du code des impositions sur les biens et services (CIBS) et transposant diverses normes du droit de l’Union européenne ;

■    D’autoriser, pour l’ensemble des impositions figurant dans le CIBS, l’imputation de dettes ou créances afférentes à différentes impositions sur elles-mêmes ou sur une dette ou créance de TVA, afin de maximiser les simplifications issues des transferts en limitant les formalités administratives et les charges de trésorerie induites, pour les redevables, par la coexistence de diverses procédures de remboursement, en particulier en matière d’accise. Cette mesure qui nécessite un décret d’application entre d’abord en vigueur au 1er janvier 2023, sous la forme d’une expérimentation, pour la taxe intérieure de consommation en matière de fourniture d’électricité ;

■    De répartir les compétences entre les deux administrations, DGDDI et DGFiP, s’agissant du transfert de l’accise sur les carburants (ex-TICPE) et des taxes qui lui sont associées. Ainsi, la DGDDI devrait conserver les compétences de suivi et de gestion des produits, ainsi que les capacités de contrôle afférentes, tandis que l’établissement et le contrôle de l’accise proprement dits, notamment la gestion des déclarations, du paiement et des demandes de remboursement, ainsi que l’application des pénalités fiscales, relèveront de la DGFiP. La date de ce transfert est fixée au 1er janvier 2025.

Adaptation du droit de communication en matière douanière (art. 81)

Le droit de communication dont dispose l’administration des douanes est adapté, en offrant la possibilité de demander la liste des clients, fournisseurs et utilisateurs aux fins de détecter des opérations non déclarées, minorées ou occultes.

Ce droit de communication non nominatif devrait constituer un moyen d’investigation adapté, en particulier pour la détection de la fraude opérée au moyen d’Internet dans la ligne des aménagements apportées ces dernières années en matière fiscale et sociale.

Le droit de communication de l’administration des douanes ainsi élargi demeurera strictement encadré, dans le respect des principes reconnus par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2011-214 QPC du 27 janvier 2012.

Poursuite de l’unification du recouvrement à la DGFiP (art. 95)

Se poursuit l’unification du recouvrement de certaines impositions à la DGFiP, initiée par la loi de finances pour 2019, en traitant le cas des jugements condamnant le redevable au paiement d’une amende douanière, dont le recouvrement incombe à la DGFiP à compter du 1er avril 2023, et de droits fiscaux, dont le recouvrement concerne des faits générateurs antérieurs au transfert du recouvrement de la fiscalité de la DGDDI à la DGFiP.

Ainsi pour les jugements rendus à compter du 1er avril 2023, la DGFiP sera également compétente pour le recouvrement des droits fiscaux. Le dispositif de l’article précise que les modalités de recouvrement de ces droits et taxes s’opéreront comme en matière de taxes sur le chiffre d'affaires.

Enfin, il est également prévu :

■    de rationaliser le transfert des créances afférentes aux impositions transférées mais non soldées au jour du transfert (« reste à recouvrer ») en maintenant à la DGDDI le recouvrement des créances relatives à la TVA à l’importation des assujettis, pour des faits générateurs antérieurs à la généralisation de l’autoliquidation de la TVA à l’importation, et des créances composées à la fois de fiscalités dont le recouvrement incombe à la DGDDI et à la fois de fiscalités dont les faits générateurs sont antérieurs au transfert du recouvrement à la DGFiP ;

■    de préciser que les frais de poursuites nés des mesures d’exécution exercées par le comptable de la DGDDI en vue de recouvrer la créance de nature fiscale sont également transférées à la DGFiP en même temps que les droits, au même titre que les majorations et les intérêts.

Prolongation de l’exonération de TVA sur les ventes au cours des croisières outre-mer (art. 105)

La loi de finances rectificative pour 2020 prévoyait un dispositif temporaire d’exonération pour les ventes de biens réalisées en Martinique et en Guadeloupe au profit des touristes effectuant des croisières maritimes et emportant ces marchandises dans leurs bagages personnels, initialement prévu jusqu’au 31 décembre 2023.

Pour rappel, ce dispositif donne la possibilité de mettre en place des zones de duty free dans les magasins agréés par l’Administration et situés dans le centre-ville de ports accueillant des bateaux de croisière touristiques, permettant de vendre en exonération de TVA, d’accises sur les alcools et sur les tabacs et d’octroi de mer. Il vise également à redynamiser les centres villes de Fort-de-France et de Pointe-à-Pitre.

Dans un contexte de forte concurrence avec les Etats voisins de l’arc antillais, cette exonération est prorogée de deux ans, soit jusqu’au 31 décembre 2025, afin de renforcer l’attractivité de la croisière outre-mer et des centres villes des deux îles, après deux ans de crise sanitaire.